- En rappelant qu'amour ne rime pas obligatoirement avec toujours ?
"Par exemple ! En dépit des aventures peu ordinaires que je leur fais vivre, mes personnages restent foncièrement humains. Adler, comme Helen, ont un comportement cohérent. Mais les plans cohérents qu'on s'assigne sont parfois bouleversés par les événements. Helen veut rester fidèle à un principe de vie. Si elle se sent plus vivante dans les bras d'un autre, il est logique qu'elle aille dans les bras d'un autre. Il ne faut pas oublier qu'elle est aussi une aventurière ! De plus, en attribuant à Helen l'initiative de la rupture, je permettais à Adler de ne pas ternir son image de Héros en passant pour un horrible macho. Je trouvais par ailleurs intéressant de mettre un personnage masculin dans une situation de désarroi, de remords, de tendresse".
- Adler n'a donc rien du Héros pur et dur ?
"Adler n'a effectivement rien d'un dur. Il est issu d'une noble famille bavaroise et il en a gardé l'âme chevaleresque. C'est un ancien officier de la Luftwaffe et il en conservé le sens du devoir. De plus, il évolue dans un environnement cruel qui le force à se battre et à se durcir. Comme chacun de nous qui vivons aujourd'hui dans un angoissant climat de précarité... La mort n'est pas nécessairement au bout d'un fusil ou d'un revolver, on peut également assassiner quelqu'un avec une simple lettre de licenciement. Les aventures que je raconte ne sont pas, je le prétends, plus dangereuses que ce que nous vivons ici, à Paris ou Bruxelles, quotidiennement".
- "La Jungle rouge", le nouvel album qui sort au Lombard, n'est en fait que le premier chapitre d'une histoire en deux tomes...
"Oui, c'est un album de mise en situation. De rebondissements en rebondissements, les acteurs de l'intrigue se mettent en place, le danger s'accroît et le suspense devient de plus en plus angoissant. Quel en sera le dénouement ? Je préfère ne rien dévoiler pour l'instant et en laisser le plaisir de la surprise aux lecteurs".
- Pourquoi cette histoire s'ouvre-t-elle sur une dédicace très particulière ?
"En effet, j'ai dédié cet album à la Vie et plus spécialement à ceux d'Amérique ou d'Arménie, d'Auschwitz, de l'Amazonie, du Rwanda ou de Bosnie victimes de la barbarie des "épurateurs". L'extermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, est une horreur que je n'arriverai jamais à digérer. Et de nos jours, il y a la Bosnie, le Rwanda, l'Algérie... Il y a ces Indiens qu'on massacre en Amazonie pour un lopin de terre. Tout cela m'écoeure et me poursuit. En écrivant le scénario de cet épisode, les larmes me sont souvent montées aux yeux. Et voilà... C'est ma petite contribution à la cause de ces gens. Cela ne veut pas dire que je suis meilleur que les autres. Quand je vois la cruauté du monde, je me dis que cette cruauté est peut-être en moi et cela m'effraie. Si j'étais soumis à une autorité qui a droit de vie ou de mort, quelle serait mon attitude ? Aurais-je la force et le courage de lui résister ? Je n'en suis pas sûr et ça me fait trè peur".
- Depuis peu, Adler est aussi devenu le héros d'un roman...
"Parce qu'un éditeur, qui a aussi publié quelques romans de Bob Morane par Henri Vernes, me l'a demandé ! Ce fut pour moi, le bonheur total. Pendant deux mois, j'ai mis toutes mes tripes à écrire ce bouquin et j'ai trè envie d'en écrire d'autres. J'adore dessiner, mais plus qu'un dessinateur de BD, je suis un littéraire. Or, en bande dessinée, dè qu'il y a beaucoup de textes, cela devient bavard. Il faut être extrêmement concis. Le roman permet de nuancer davantage le caractère des personnages, de ne pas précipiter les rebondissements et de s'attarder sur certaines situations. A mon sens, le roman est plus suggestif et privilégie plus l'imaginaire que la BD qui vise surtout la lecture rapide et donc l'efficacité. De plus, psychologiquement, Adler, c'est tout à fait moi. Ses choix sont les miens. Et ça, il m'est plus facile de le faire passer par le biais de l'écriture que sous forme de BD".
Interview réalisée par J.-L. Lechat
"Rio Grande" par René Sterne. Roman. Editions Labor. Collection "Espace Nord Junior". 238 pages.
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