Sterne (René)
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Adler

1. L'avion du Nanga
2. Le repaire du Katana
3. Muerte transit
4. Dernière mission
5. Black Bounty (1)
6. L'île perdue (2)
7. La jungle rouge (1)
8. Les maudits (2)
9. La force
10. Le goulag

Blake et Mortimer -

19. La malédiction des trente deniers (1)


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"Dés le début, mon objectif a été de réinventer les relations homme-femme dans la BD"

"Moi aussi, je peux devenir un auteur de BD!". C'est à la suite d'un pari avec François Schuiten ("Les Cités obscures") que René Sterne a créé Adler, le héros d'une série d'aventures éditée par Le Lombard. Dè sa parution en 1987, son premier album, "L'Avion du Nanga", fit l'effet d'une petite révolution. De l'exotisme, une intrigue parfaitement ficelée, des rebondissements à la pelle, des images finement ciselées, des couleurs branchées : grâce à lui, la bonne vieille "ligne claire" retrouvait une seconde jeunesse. Foncièrement humain, son personnage avait en outre juste ce qu'il faut d'héroïsme pour qu'on s'y attache. Sterne signe aujourd'hui "La Jungle rouge", son 7ème album. Il a brièvement quitté la petite île des Caraïbes où il vit, pour nous livrer quelques réflexions à ce propos...

- Ce qui surprend d'abord à la lecture de ce 7e album, c'est le retour d'Helen, l'ex-compagne d'Adler qui était absente des deux épisodes précédents.

"En fait, elle ne réapparaît qu'indirectement dans la vie d'Adler. Helen est en danger et c'est chez lui que son nouveau compagnon, le reporter Scott Wood, vient solliciter de l'aide... J'avais envie de reparler d'Helen et je voulais surtout placer mon héros dans une situation délicate : se porter au secours de son ex-compagne et cela, à la demande du nouvel amant de celle-ci. Mais pour Adler, ce qui embarrasserait sans doute tout autre que lui, ne pose aucun problème. Sa résolution est vite prise et c'est tout naturellement qu'il va s'efforcer de sauver la femme qu'il a aimée...".

- Et qu'il aime encore?

"Rien ne le confirme, mais on peut le supposer. Si l'on relit "Black Bounty" et "L'Ile perdue", les deux épisodes précédents, on se rendra toutefois compte qu'aprè le départ d'Helen, Adler n'est pas resté célibataire très longtemps. Mais ses différentes aventures sentimentales semblent n'avoir été que des sparadraps sur une ancienne blessure mal cicatrisée.

Personnellement, je suis sûr qu'il n'a pas cessé de l'aimer. Cela dit, et ce sera le sujet d'un futur album, Helen n'est pas le premier grand amour d'Adler. Son premier amour fut une jeune Juive qu'il a connue en Bavière avant que n'émerge en Allemagne, l'antisémitisme que l'on sait".

- L'Aventurier serait-il condamné à vivre sans attaches ?

"Au départ, mon intention était de raconter les péripéties d'un couple solide, mais très libre. Chacun vivait sa vie propre et les circonstances faisaient qu'ils se retrouvaient impliqués ensemble dans une série d'aventures. Au bout de quatre albums, j'ai eu l'impression de tomber dans le syndrome "Blake et Mortimer". Deux personnages constamment flanqués l'un de l'autre, je trouvais ça lassant. J'ai estimé qu'une rupture allait me permettre d'orienter Adler vers de nouvelles aventures moins convenues et plus trépidantes. Je souhaitais aussi qu'il puisse rencontrer d'autres femmes sans passer pour un infidèle. Dès le début, mon objectif a été en outre de réinventer les relations homme-femme dans la BD".

- En rappelant qu'amour ne rime pas obligatoirement avec toujours ?

"Par exemple ! En dépit des aventures peu ordinaires que je leur fais vivre, mes personnages restent foncièrement humains. Adler, comme Helen, ont un comportement cohérent. Mais les plans cohérents qu'on s'assigne sont parfois bouleversés par les événements. Helen veut rester fidèle à un principe de vie. Si elle se sent plus vivante dans les bras d'un autre, il est logique qu'elle aille dans les bras d'un autre. Il ne faut pas oublier qu'elle est aussi une aventurière ! De plus, en attribuant à Helen l'initiative de la rupture, je permettais à Adler de ne pas ternir son image de Héros en passant pour un horrible macho. Je trouvais par ailleurs intéressant de mettre un personnage masculin dans une situation de désarroi, de remords, de tendresse".



- Adler n'a donc rien du Héros pur et dur ?

"Adler n'a effectivement rien d'un dur. Il est issu d'une noble famille bavaroise et il en a gardé l'âme chevaleresque. C'est un ancien officier de la Luftwaffe et il en conservé le sens du devoir. De plus, il évolue dans un environnement cruel qui le force à se battre et à se durcir. Comme chacun de nous qui vivons aujourd'hui dans un angoissant climat de précarité... La mort n'est pas nécessairement au bout d'un fusil ou d'un revolver, on peut également assassiner quelqu'un avec une simple lettre de licenciement. Les aventures que je raconte ne sont pas, je le prétends, plus dangereuses que ce que nous vivons ici, à Paris ou Bruxelles, quotidiennement".




- "La Jungle rouge", le nouvel album qui sort au Lombard, n'est en fait que le premier chapitre d'une histoire en deux tomes...

"Oui, c'est un album de mise en situation. De rebondissements en rebondissements, les acteurs de l'intrigue se mettent en place, le danger s'accroît et le suspense devient de plus en plus angoissant. Quel en sera le dénouement ? Je préfère ne rien dévoiler pour l'instant et en laisser le plaisir de la surprise aux lecteurs".

- Pourquoi cette histoire s'ouvre-t-elle sur une dédicace très particulière ?

"En effet, j'ai dédié cet album à la Vie et plus spécialement à ceux d'Amérique ou d'Arménie, d'Auschwitz, de l'Amazonie, du Rwanda ou de Bosnie victimes de la barbarie des "épurateurs". L'extermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, est une horreur que je n'arriverai jamais à digérer. Et de nos jours, il y a la Bosnie, le Rwanda, l'Algérie... Il y a ces Indiens qu'on massacre en Amazonie pour un lopin de terre. Tout cela m'écoeure et me poursuit. En écrivant le scénario de cet épisode, les larmes me sont souvent montées aux yeux. Et voilà... C'est ma petite contribution à la cause de ces gens. Cela ne veut pas dire que je suis meilleur que les autres. Quand je vois la cruauté du monde, je me dis que cette cruauté est peut-être en moi et cela m'effraie. Si j'étais soumis à une autorité qui a droit de vie ou de mort, quelle serait mon attitude ? Aurais-je la force et le courage de lui résister ? Je n'en suis pas sûr et ça me fait trè peur".

- Depuis peu, Adler est aussi devenu le héros d'un roman...

"Parce qu'un éditeur, qui a aussi publié quelques romans de Bob Morane par Henri Vernes, me l'a demandé ! Ce fut pour moi, le bonheur total. Pendant deux mois, j'ai mis toutes mes tripes à écrire ce bouquin et j'ai trè envie d'en écrire d'autres. J'adore dessiner, mais plus qu'un dessinateur de BD, je suis un littéraire. Or, en bande dessinée, dè qu'il y a beaucoup de textes, cela devient bavard. Il faut être extrêmement concis. Le roman permet de nuancer davantage le caractère des personnages, de ne pas précipiter les rebondissements et de s'attarder sur certaines situations. A mon sens, le roman est plus suggestif et privilégie plus l'imaginaire que la BD qui vise surtout la lecture rapide et donc l'efficacité. De plus, psychologiquement, Adler, c'est tout à fait moi. Ses choix sont les miens. Et ça, il m'est plus facile de le faire passer par le biais de l'écriture que sous forme de BD".


Interview réalisée par J.-L. Lechat

"Rio Grande" par René Sterne. Roman. Editions Labor. Collection "Espace Nord Junior". 238 pages.

(c) Le Lombard


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Modifié pour la dernière fois le 07/23/2008